3 Mai 2021
Voici un roman qui ne date pas d'hier, mais pas non plus du siècle dernier, que j'ai découvert récemment grâce aux conseils de mes camarades rôlistes sur Instagram - un grand merci ils se reconnaîtront!
Par où commencer, si ce n'est d'abord l'épaisseur de ce premier roman pour l'auteur, qui avoisine les 1000 pages; du lourd, aussi intimidant que les 7 piliers de la sagesse de Thomas Edward Lawrence, mais qui, à l'opposé de celui ci, se lit avec un plaisir que l'on prend soin de faire durer.
Benvenuto Gesufal, spadassin de la ville de Ciudalia, travaille pour le compte du podestat Leonide Ducarto qui conduit une guerre, par voie des mers ,contre la flotte du Chah de Ressine. Mais cette guerre n'est pas celle que l'on gagne par le seul fait des armes; la guerre c'est aussi les intrigues politiques des patriciens, les manigances commerciales des familles marchandes, c'est le sang qui est versé au détour d'une ruelle sombre, c'est aussi la manipulation du peuple, les grands discours aux assemblées, les calomnies et l'ignominie transpirant par toutes les bouches d'égouts.
Bienvenue à Ciudalia. Une ville qui s'inspire de la Florence de Machiavel, de l'Italie de la Renaissance où les Médicis y auraient eu pignon sur rue. Les premières pages nous emmènent sur les flots d'une galère, suite à l'invasion et le massacre d'une ville Ressinienne par les Phalangistes de la République de Ciudalia. Benvenuto est chargé d'accompagner l'étoile montante de la République d'une famille adverse de son commanditaire..et de l'assassiner, puis de mener des tractations secrètes avec l'émissaire du Chah pour trouver un terrain d'entente mutuel et mettre fin à la guerre. Du moins à cette guerre ci..
Le retour de Benvenuto à la cité, après des mois de vraie fausse détention pour donner le change aux adversaires de son employeur, ouvre le bal des hypocrites et la danse des intrigues masquées. Croyant un temps pouvoir savourer le statut octroyé par ses succès, en dépit de sa gueule cassée, retapée par un orfèvre, Benvenuto est bien vite replongé dans la réalité bien ciudalienne où tout n'est que mensonge et manipulation.
Après quelques mois de répit "relatif", Benvenuto doit gérer les projets de grandeur de son employeur, le harcèlement éreintant de la fille de celui ci, les gentilles moqueries de fils pourri gâtés de patriciens se terminant dans le sang, son statut de héros passe à celui de paria lorsque le pot-aux-roses est découvert.
Il est contraint à l'exil et fuit la ville pour se réfugier en des contrées sauvages en compagnie du sorcier de son employeur, dont l'escorte de Benvenuto en un lieu sûr ne constitue qu'une partie de son voyage.
C'est un récit passionnant, drôle et magnifiquement écrit que nous propose Jean Philippe Jaworski, via la narration mordante de Benvenuto. Si le livre est long, le récit ne se perd pas, il se dévore au fil des pages, au point qu'il faille mettre le frein pour en profiter mieux.
D'un décor très inspiré de l'Italie de la Renaissance, comme déjà dit plus haut, on pénètre, au fil des pérégrinations en dehors de Ciudalia, dans un monde plus proche de la Fantasy, avec la magie qui voit l'importance de sa réalité et de sa puissance croître, des elfes à la jeunesse intemporelle mais sans non plus en submerger le récit. Le coeur de cet ouvrage reste l'intrigue omniprésente et l'usage de tous les moyens pour parvenir à ses fins, un talent précoce qui s'épanoui même aux plus jeunes âges.
Benvenuto Gusefal est sans conteste un personnage que l'on oubliera pas, il nous fait rire, il nous choque , il nous amuse avec ses belles tournures et son langage fleuri et il nous impressionne. Un personnage digne d'une épopée dans un jeu de rôle. Et c'est d'ailleurs probablement le cas, attendu que l'auteur a quelques écrits à son actif dans le jeu de rôle (Te Deum pour un Massacre) et plus particulièrement durant les périodes de la Renaissance.
Encore un rôliste qui frappe, mais qui frappe fort! Gagner la guerre a également eu son adaptation en bande dessinée qui, aux dires de ceux qui l'ont lu, est excellente, je n'ai pas encore le plaisir de la découvrir, mais maintenant que ma lecture est bouclée, découvrir le récit en image sera la prochaine étape!
Un livre que je me fais le plaisir de recommander les yeux fermés pour tous(tes) les friand(e)s d'intrigues politiques à la "Rome" et de cape et d'épée, on ne s'y ennuie pas, on ne peut pas s'ennuyer avec une plume de cette qualité.
Gagner la guerre fait partie d'une liste d'oeuvres rattachées sous le nom de Récit du Vieux Royaume qui inclue également une série de nouvelles Janua Vera, que je compte bien prendre d'assaut prochainement.
Livre disponible ici, ainsi que les bandes dessinées sur ce lien.