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Senior Rôliste

Blog sur le JDR, la littérature fantastique, des portraits de rôlistes, par un rôliste français vivant au Japon

1999-2003, Mes années Ultima Online - souvenirs d'un rôliste sur Europa

Les origines d'une passion

ll y a longtemps, bien longtemps - vingt-six ans quand même ! - alors que je découvrais le jeu de rôle pendant la deuxième moitié des années 90, s'est révélée l'existence d'un jeu de rôle joué en ligne, dans un monde mis à disposition des joueurs, leur donnant une quasi-totale liberté d'en disposer: Ultima Online.

Jeu de rôle et jeux vidéo faisant souvent bon ménage, j'étais - et suis toujours- féru de jeux vidéo. Dès l'âge de sept ans, sur mon micro-ordinateur Apple IIc,  je découvrais la magie immersive d'Ultima IV, puis d'Ultima V, dont je garde encore la boîte un peu mangée, et le parchemin de félicitations de Lord British, signé de sa main d'un feutre à bout de souffle. J'avais écrit aux studios d'Austin d'une belle lettre timbrée (eh oui nous n'avions pas d'e-mail à cette époque!), Texas, pour leur annoncer que j'avais terminé le jeu. C'était en 1990. 

Le parchemin signé de la main de Lord British

Et puis pour revenir au coeur du sujet, je découvris que le monde fictif d'Ultima - Britannia ou plutôt Sosaria son nom d'origine- était désormais accessible en ligne. Des centaines, voire des milliers de joueurs y évoluaient simultanément. Mon sang ne fit qu'un tour. 

Le pionnier des MMORPG

Ultima Online fut le pionnier du MMPORG (Massively Multi Player Online Roleplaying Game). Divisé en serveurs régionaux, il a desservi, et continue de desservir, toutes les régions du monde.

A ses débuts, il n'y avait qu'un seul monde.  En dehors de la sécurité des villes, on pouvait se faire attaquer et dépouiller par d'autres joueurs. Le jeu était une véritable jungle du PvP (Player vs Player) et peuplée de "Player Killer" (PK dans le jargon). Un univers dangereux, où seule la loi du plus fort prévalait. Et c'est dans cet univers hostile que le jeu de rôle en ligne trouva un terreau fertile.

Les premières guildes et la naissance du jeu de rôle en ligne massif

Quand je parle de jeu de rôle en ligne massif, vous l'aurez compris, je parle bien du jeu de rôle sur table élevé à une échelle où plusieurs joueurs jouent ensemble, sans maître de jeu, mais dans le même esprit qu'une table le ferait.

Des joueurs prirent racines dans certaines régions, s'associant en guildes et s'attribuant une place et un rôle dans le monde.

Parmi elles, un clan d'Orcs, le Shadowclan, dont les joueurs pouvaient se mêler aux PNJ orcs dans les camps prévus, à condition de porter un masque pour s'y fondre. Ils avaient inventé un langage propre, remplaçant la plupart des voyelles par des u et multipliant les r à outrance. Ces joueurs formaient une véritable horde lançant des assauts contre les villes humaines, capturaient des innocents et les réduisaient en esclavage.

Plus au nord, les forêts de Yew étaient surveillées par la Guardsmen militia. Leur organisation stricte et militaire (la plupart des joueurs étaient soldats dans la vraie vie), imposait des barrages pour percevoir la "taxe", et des patrouilles. Ils menaient aussi des raids contre les orcs ou les tueurs de grand chemin.

La division du monde: Felucca et Trammel

Et puis le monde se divisa en deux faces d'un même miroir: le monde originel fut baptisé Felucca, où le PvP libre et le danger demeuraient. Le second, Trammel, interdisait les attaques sauf entre guildes en guerre déclarée.

Le monde de Sosaria - Ultima Online

Cette scission entraîna un épanouissement du jeu de rôle improvisé. Les grandes villes, riches en bâtiments accessibles, devinrent le siège d'associations de joueurs regroupés en guildes. Chacune avait ses règles, uniformes et hiérarchies, mais laissait une large place à l'improvisation et à l'imagination.

C'était une vasque géante de créativité rôliste ; un monde où l'on pouvait tout faire: écrire un livre, couper du bois, creuser du minerai, pêcher du poisson, chasser, forger armes et armures, tailler des vêtements, fabriquer des meubles, concocter des potions... Ultima Online n'offrait aucune limite. Il offrait une seconde vie dans un monde médiéval-fantastique qui avait fait rêvé les jeunes enfants comme moi dès la parution des premiers Ultima.

Mes débuts dans Sosaria

A la création de mon premier personnage, je fus accueilli par des joueurs vétérans regroupés autour de la banque, véritable coeur battant des cités. Ils virent aussitôt que j'étais vraiment un gros benêt de nouveau (newbie).

Certains me donnèrent de l'argent, des armes, des armures. D'autres me firent faire un tour des environs pour me familiariser avec les concepts du jeu. Et puis il y eut celui ci qui m'emmena sur Felucca - dont je ne savais rien - via un portail magique pour m'y assassiner et me détrousser. Retour à la case départ.

J'étais littéralement un mendiant numérique, survivant grâce à la charité de vétérans bienveillants. Mais les années passant, mes personnages s'étoffèrent, et je fis mes premiers pas parmi les rôlistes, très actifs, du serveur Europa.

La ville de Britain était la capitale du monde et l'endroit où la majorité des joueurs, rôlistes ou non, installaient leurs étals et vendaient leur biens forgés.

Certains devinrent de véritables figures légendaires, comme Lord Ulysses, forgeron, qui tenait son magasin près de ladite banque pendant très longtemps, dont le nom circule encore aujourd'hui sur les forums de joueurs nostalgiques.

L'engouement pour le jeu de rôle, particulièrement fort sur le shard Europa (où se cotoyaient majoritairement anglais, français et suédois), vit un essor substantiels des guildes, mais fit naître aussi les premières tensions: chaque guilde voulait marquer le monde, s'approprier des villes, imposer une influence.

ERPA et CoRE: le chaos communautaire

Pour préserver un certain ordre, plusieurs guildes se fédérèrent en une association : ERPA (Europa Role Players Association). L'idée était belle: définir des règles communes, une chronologie, un cadre narratif partagé. Mais ce qui avait été pensé comme une bonne idée se transforma, avec le temps, en un outil de pouvoir et d'exclusion: certaines guildes, certains joueurs étaient blacklistés, d'autres écartés pour des querelles d'ego. Face à cette dérive qui empira très vite, une scission se produisit: ERPA se vida de sa substance lorsqu'une autre association vit le jour, emportant plus de la moitié des guildes avec elle: CoRE - Community of Roleplayers of Europa.

La beauté d'Ultima Online résidait dans cette liberté absolue. Celle d'offrir un monde où tout était possible, mais où tous rôlistes se sentaient parfois un besoin de devenir le maître de jeu d'une partie de ce monde. Afin d'y faire vivre ses histoires, ses alliances, ses rivalités, ses intrigues.

Mon premier personnage était un forgeron (le newbie dont je parlais plus haut) nommé Arne Kimmer. Recruté par la guilde des Disciples du Chaos ,il devin l'orateur d'une idéologie opposant Chaos et Ordre - écho direct à Ultima VII: Serpent Isle. J'écrivais des livres de propagande, tenais des discours publics devant des délégations de guildes, lançant des débats enflammés et passionnant en plein jeu, sans jamais tirer l'épée. 

Plus tard, sur l'île de Skara Brae, je jouai un membre de la garde zélé, Mehdi Ibn Salaad, au service du Baron Sigurd. Il quitta la baronnie pour former les Touaregs du Désert Bleu, une guilde d'esclavagiste redoutable mais dont les activités prirent fin lorsqu'il fut capturé par la ville de Vesper. Jugé sommairement par le Baron Kain Twothumb de Vesper, il est exécuté en place publique par la hache de Hanse Davion.

Une époque lointaine, une mémoire toujours aussi vivace

C'était ça Ultima Online: la liberté absolue de changer de vie comme de masque...et de recommencer ailleurs sous d'autres traits, pour jouer autre chose. 

Un puits de créativité inépuisable, animé jour et nuit par des joueurs du monde entier. Un jeu certes chronophage, mais aussi d'une richesse inouïe pour l'imagination. A tel point qu'il était difficile de décrocher, jusqu'à ce qu'un jour, beaucoup d'entre nous partent pour de bon, marquant la fin d'une époque.

Les nouveaux jeux avaient pris le relai. Ultima Online survécut, mais ses améliorations, souvent bancales, ne purent jamais recréer cette magie. Et inversement aucun autre MMORPG n'a, à ce jour, su reproduire l'expérience unique d'Ultima Online.

Plus de vingt ans plus tard, je m'en souviens.

Je m'en souviens comme d'une fabuleuse partie de jeu de rôles, de celles que je jouais non loin de la forêt de Rambouillet, de 20h à 3h du matin.  A la différence près que, dans Ultima Online, ces parties ne s'arrêtaient jamais: le monde continuait d'avancer pendant notre sommeil, pendant nos temps de déconnexion.

Un témoignage de ce qui fut pour moi une expérience fondatrice, celle qui a bâti les bases de cette passion qui me donne envie de créer des histoires, de les faire jouer et qui, aujourd'hui encore, me pousse à écrire ces lignes et ces articles sur ce blog, depuis 2020. 

Je ne désespère pas que ce billet soit un jour retrouvé par d'anciens joueurs qui se reconnaîtront peut être dans ces lignes. Toute l'histoire de la communauté rôliste d'Europa se perd inexorablement avec la fermeture des forums. J'ajoute donc à cet article quelques fichiers qui retracent cette époque, ainsi que de liens offrant un aperçu de l'ambiance parfois tendue - mais souvent hilarante - des récits et expériences de jeu partagés par d'autres.

Enfin, à mes anciens camarades rôlistes de cette belle époque, si vous trouvez cet article, n'hésitez pas à vous manifester: Venom d'Orsay, Damien de Savant, Baron Sigurd, Kain Twothumb, Chucky, Gerrick Adarastos, Arejun Damascus, Cal Soulshadow, Seriya Delacey...Et bien d'autres dont je n'ai plus les noms de personnages en tête.

Liens:

UO History Europa Shard Chronology

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