14 Décembre 2020
Découvert par hasard, ce premier roman de Freddie Åhlin, jeune auteur suédois, nous fait vivre le calvaire de Tom Richards, un routier de 46 ans, dont la vie s'effondre: criblé de dettes, un mariage tombant en ruine, il décide alors de risquer le tout pour le tout en se portant volontaire pour conduire un chargement lourd qui lui fera traverser la Dalton Highway, une autoroute qui parcourt les forêts d'Alaska, no man's land sur 666 km. Tom ne fait pas le périple seul, il est accompagné de son chien fidèle, Presley. (Oui le même qu'Elvis!)
Après avoir passé la dernière station service pour se réapprovisionner et un dernier contact avec la civilisation, des éléments troublants vont ponctuer la monotonie du voyage. C'est d'abord une voiture de luxe rangée sur le bas côté, les portières ouvertes, un portefeuille rempli laissé sur le siège passager et pas âme qui vive alentours. Puis c'est un panneau d'information à l'entrée de l'autoroute dont une partie est couverte d'affiches de gens disparus sur une période remontant à plusieurs années...
Un début de paranoïa commence à s'immiscer dans l'esprit de Tom qui au fur et à mesure de sa progression va monter d'intensité lorsque, aveuglé par le brouillard, son camion fait une embardée et le fait sortir de la route.
Le camion est hors d'usage, il fait nuit, il fait froid et il pleut. Tom retrouve ses esprits tant bien que mal, victime de crises d'angoisse et de "petites voix" qui lui parlent dans sa tête lorsqu'il réalise que son chien a disparu.
Commence alors pour le camionneur une plongée dans la forêt sombre qui va prendre des allures de descente aux enfers, à la recherche de son chien, seul être pour qui son affection est sans équivoque et qui, son mariage périclitant, est devenu son seul refuge d'amour.
On est pris aux tripes par ce récit à haut dosage d'adrénaline. L'auteur nous immisce dans la peau de Tom jusqu'au tréfonds de sa conscience durement éprouvée, on ressent son trouble, on a mal pour ses blessures qui ne cessent de s'accumuler à tâtonner dans le froid et l'obscurité, on a peur lorsqu'un animal le poursuit...
Le plus prenant dans cette histoire est que l'on partage et l'on vit le début de folie de Tom, qui alors que la forêt se referme sur lui, semble s'exacerbée au point de le mener à cet enfer où la raison prend fin. Et au fil de ses errances, Tom va faire des découvertes qui vont le propulser dans une fuite hors d'haleine pour la survie où l'on en vient à douter du vrai et du faux.
On reste partagé entre la question de savoir si Tom est réellement fou et souffre d'hallucinations ou si ce qu'il voit et entend est la réalité, une question que l'on se pose à chaque nouveau rebondissement au point que l'on doute encore de ce qui a pu se passer.
J'arrête ici pour vous épargner de tout spoiling.
Si vous souhaitez un livre rapide à lire, au rythme haletant, je vous invite à découvrir ce jeune auteur et ce livre.
On pourra noter qu'avec Tom et l'icône qu'il incarne, l'auteur pointe subrepticement du doigt des thèmes récurrents tels que la pauvreté aux Etats Unis, l'absence d'assurance santé adéquate et le fléau des dettes qui contribue à bâtir une défiance grimpante vis à vis des autorités gouvernementales.
Dans le cadre d'un jeu de rôle comme l'Appel de Cthulhu, ce livre est une mine d'or pour parfaire le réalisme d'un récit de folie qui rompt les barrages de la conscience et qui cherche un abri derrière la sécurité de l'illusion d'un monde cartésien où les horreurs dont nous sommes témoins ne "peuvent" être vraies.
Livre en anglais uniquement mais très abordable et agréablement écrit, comptez 3 à 4 heures pour l'engloutir!