Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Senior Rôliste

Blog sur le JDR, la littérature fantastique, des portraits de rôlistes, par un rôliste français vivant au Japon

Metro 2033

Moscou, 2013. Des bombes atomiques s'abattent sur la Russie et, en représailles, sur le reste du monde, précipitant la terre dans un véritable hiver nucléaire. Du moins, c'est ce qu'en déduisent les 40,000 survivants terrés désormais dans les profondeurs du métro de Moscou. 

Inspiré des romans éponymes de Dmitry Glukhovsky, Metro 2033 est un jeu de rôle de conception française, lancé, et financé en 2020 par Arkhane Asylum Publishing, et dont la livraison des ouvrages physique se fait encore attendre à l'heure où j'écris ces lignes.

Le contexte

Metro 2033 nous plonge donc, 20 ans plus tard, parmi les survivants d’une guerre nucléaire. Ceux-ci ont trouvé refuge dans le métro moscovite, qui a été conçu comme un abri nucléaire et est très profond de surcroît. Ils tentent de survivre tant bien que mal dans les stations abandonnées et les tunnels sombres les reliant.

Home sweet home ?

La surface n'est plus vivable. Là haut, les radiations ont transformé ce qui n'avait pas été balayé par le feu nucléaire en monstruosités dangereuses, fruit d'une dégénérescence de la nature, et précautionneusement parcouru, à la faveur de la nuit, par les plus hardis et inconscients parmi les survivants: les Stalkers. 

Chaque station est devenue une ville, une faction - voire une "nation" - et le monde souterrain s'est réorganisé à l'image de ce qu'il a toujours été à la surface: un éventail idéologique oscillant entre les extrêmes les plus radicaux et les innombrables nuances de gris: des nazis du 4e Reich aux Rouges communistes, la station prospère de Polis où tous les savants et lettrés vivent, la puissante union marchande de la Hanse dont le réseau s'étend sur tout le périmètre d'un anneau encerclant les territoires de toutes les autres factions. Un microcosme de société s'est reconstitué autour des 40,000 survivants, avec toutes les tendances existantes ramenées de la surface... Et son même lot d'inégalités en termes d'accès aux ressources, de nourriture, d'eau, d'électricité, faisant germer les bourgeons d'une situation pouvant devenir très vite explosive.

Les élevages de cochon sont critiques dans le métro

Et puis il y a le métro. Cet entrelacs de tunnels, jadis simple infrastructure artificielle, semble avoir pris une existence propre. Dans l'obscurité des tunnels, des gens disparaissent, d'autres entendent des voix, des sons, d'autres encore voient des choses qui leur font perdre la raison. Une flore prospère dans les recoins les plus ténébreux, et s'étend jusqu'aux stations isolées dont les quelques habitants ne donnent plus signe de vie. L'obscurité est source d'angoisse et d'imagination florissante: hormis les factions hostiles marchant sur deux pieds, on ne sait pas vraiment ce qui rôde dans les zones du métro ayant échappé à cette colonisation forcée.

C'est là toute la substance des ouvrages de Dmitry Glukhovsky. La série des Metro 2033, 2034 et 2035 maintient une tension continue dans les restes d'un monde déjà à moitié enseveli. Une lecture que je vous recommande très fortement - dans sa traduction française, puisque je ne lis pas le russe -tant elle parvient habilement à transmettre au lecteur cette sensation claustrophobe, pesante et menaçante qui accompagne Artyom (le personnage principal des livres), au point de me surprendre à retenir mon souffle, comme si je partageais son angoisse.

Ma connaissance du monde de Glukhovsky se limite à sa version littéraire et non celle du jeu vidéo du même nom auquel je n'ai jamais joué. Et sur ce point, l'ouvrage de base du jeu de rôle est très fidèle à l'esprit voulu par l'auteur. L'écriture au style très relevé est un plaisir de lecture et donne une vision plus exhaustive et complémentaire à celle des romans, pour nous permettre de nous l'approprier complètement. Et pour cause: la moitié de l'ouvrage est consacrée à la description du métro et de ses habitants, et quelques pages à peine sont consacrées à la surface où peu se rendent. Message reçu : restons sous terre, c’est plus sûr!

Repas de famille

Système de jeu

Le jeu de rôle Metro 2033 est motorisé par le fameux système Mutant Year Zero. Pour les vétérans du système comme moi, qui le connaissent bien, il n’y a rien de plus réjouissant que de ne pas avoir à remplir sa tête avec un autre système. Pour ceux et celles qui ne le connaîtraient pas, voici un rapide tour d'horizon:

  • Les jets de dés se font à l'aide de D6 dont le nombre est déterminé par le niveau d'attribut et de compétence utilisés lors de l'action. Un total de 3 en attribut et 2 en compétence donnera 5 dés à lancer. 
  • Pour que l’action réussisse, il faut obtenir au moins un 6 avec les dés. À ce stade, tout ce qui n'est pas 6 n'a aucun effet, les 1 en revanche peuvent être source de complications si le joueur décide de relancer ses dés pour retenter, on parle de "forcer" un jet généralement lorsqu'on n'obtient aucune réussite, ou lorsque le nombre de réussites est insuffisant. Un jet "forcé" relance tous les dés qui n'ont pas fait 6 ou 1, ces derniers sont écartés, mais le 1, en revanche, occasionne des complications.

À ce stade nous sommes dans le classique du système Mutant Year Zero, la "touche" Metro 2033 commence ici.

Dans Metro 2033, le 1 est appelé "Affliction". Il est inoffensif au premier jet, mais si le joueur force le jet, il doit en subir l'une des conséquences suivantes:

  • Réduire l'attribut concerné d'un point.
  • Ajouter le 1 à la jauge de sang-froid, qui, une fois pleine, conduit au point de rupture
  • réduire le bonus d'un équipement, représentant son endommagement.
  • convertir le 1 en dé de stress. 

Voyons maintenant ce qui se passe lorsque la jauge de sang froid est pleine et l'usage des dés de stress:

La jauge de sang-froid pleine fait atteindre le point de rupture du personnage : pour faire simple, il pète un plomb, et le joueur peut le faire à sa sauce.

Dans tous les jeux motorisés par le système Mutant Year Zero, il existe toujours un aspect "une perte pour un gain". C'est le cas du stress, qui permet à un joueur choisissant d'encaisser un dé de stress de choisir l'un des avantages suivants:

  • forcer un jet pour la seconde fois
  • gagner un modificateur de +3 sur un jet d'attribut ou de compétence.
  • ignorer 1 point de dégâts infligé à un attribut.
  • ignorer l'état brisé durant un round (sauf en cas de blessure critique fatale)

Les dés de stress sont intégrés à chaque jet. Un 6 les annule, tandis qu'un 1 déclenche immédiatement une affliction.

Ce sont les grandes lignes et les particularités du système qu'il vous faudra retenir pour pouvoir vous lancer!

Que jouer dans Metro 2033?

Le principe des jeux Mutant Year Zero suit les mêmes étapes de construction et d'avancement. Les joueurs choisissent parmi huit archétypes, chacun avec ses particularités: des avantages pour certains attributs, un choix de compétence adaptée et un équipement spécifique.

Une dransine, dernier modèle!

Trois grandes catégories d'archétypes se dégagent:

  • Les combattants, taillés pour l'affrontement et la reconnaissance, tels le Soldat, l'Infiltrateur ou l'Eclaireur.
  • Les experts en interaction et transactions, tels le Diplomate, le Stratège ou le Trafiquant
  • Les spécialistes et maître en savoir-faire, tels le Médecin, le Mécanicien.

Une fois l'archétype choisi, il faut répartir les scores entre les attributs et les compétences. Une fois les personnages construits, on définit leur zone d'habitat: une des nombreuses stations du métro moscovite, dont les caractéristiques (niveau d'eau potable, ressources alimentaires, etc.) influenceront la population, son évolution et surtout sa survie. 

Ici, pas de vastes zones à explorer, comme dans la plupart des jeux utilisant le même système. Le monde se limite aux stations, aux tunnels qui les relient et pour les plus téméraires... à la surface où l'on ne va jamais bien loin. Mais le principe reste  le même: entre les tensions entre factions, les disparitions et morts mystérieuses, le danger omniprésent des tunnels plongés dans l'obscurité, censés être épargnés par les ravages de la surface...il faut survivre.

Des expéditions, des transactions avec d'autres factions, des investigations dans la station, le règlement de problèmes mineurs... Le schéma d'aventure reste classique et accessible aux débutants. Mais le métro de Moscou ne sera pas une partie de plaisir, loin de là. L'ouvrage propose 4 scénarios, dont un didacticiel guidant les MJ débutants pas à pas. De quoi suffisamment se faire la main pour prendre possession du métro en toute confiance!

Ce qui fait la force du récit des romans de Glukhovsky et qui imprègne ce jeu de rôle, c'est cette sensation de danger permanent. Même dans les endroits censés être sûrs, un doute subsiste. Quelque chose bouge imperceptiblement tout autour de nous. Quelque chose nous observe, embusqué dans l'ombre. Le danger est omniprésent, mais insaisissable, souvent invisible.

Cette tension, d'abord diffuse, ne cessera de monter crescendo, jusqu'à rendre ce cloaque étouffant. C'est précisément cette atmosphère que l'ouvrage capture avec justesse, non seulement par son écriture immersive, mais aussi par sa direction artistique saisissante. Le fond noir et rouge sang des pages, les illustrations charbonneuses et oppressantes prolongent cette immersion, renforçant encore cette sensation de claustrophobie et de menace constante. Metro 2033 ne se contente pas de raconter son univers; on le ressent, page après page.

Il y a des saletés dans le métro, mais vous n'avez pas encore vu les nazis...

Mais quelle est la pire menace dans le métro?  L'homme cloîtré, affamé, délirant, fanatique et désespéré ? Ou cet écosystème nouveau et mystérieux qui semble donner vie au métro ?

Un jeu de rôle mûrement travaillé - et depuis longtemps - qui, à mes yeux, offre une proposition de jeu qui parvient à se distinguer d'un Mutant Year Zero ou d'un Twilight 2000, grâce à sa forte identité. Son ambiance et sa direction narrative capturent et reproduisent avec justesse l'essence des romans.

Comme beaucoup de participants au financement participatif, j'attends l'arrivée de ce jeu (les ouvrages physiques) avec beaucoup d'impatience et enthousiasme. Ce jeu offrira, une fois de plus, l'opportunité d'incarner des personnages profonds, confrontés à des situations désespérées, et où se révèlent aussi bien le pire que le meilleur de l'être humain. Des histoires qu'on aime faire jouer et vivre, et les écrire pour s'en souvenir.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article