Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Senior Rôliste

Blog sur le JDR, la littérature fantastique, des portraits de rôlistes, par un rôliste français vivant au Japon

Jour 5 - Septicémie...et morale

Episode précédent - Fuir pour vivre

Journal du doc - Jour 5

Le bâtiment où étaient regroupés les malades puait la mort et la merde avant même que je le voie. À l'intérieur, beaucoup de gamins et de gamines y étaient entassés. J'ai fait ouvrir les fenêtres, les laisser macérer dans cette odeur de cadavre, de diarrhée et de vomi n'allait aider rien ni personne. Au moins, si on pouvait diluer cette poisse écœurante un peu, c'était toujours ça de gagné. 

J'ai tout de suite demandé à ce qu'on fasse brûler les morts, pour éviter que l'épidémie ne devienne incontrôlable. Choléra, ça ne faisait pas l'ombre d'un doute. Les types ont préféré qu'on les enterre. Foutue tradition qu'ils disaient, ou les règles édictées par leur "leader" qui me paraissait bien versé dans l'hystérie religieuse. Foutaises. Moi, médecin, je n'ai pas le temps qu'on m'emmerde avec ces conneries. Je leur ai bien fait comprendre qu'ils y passeraient tous en une semaine s'ils ne brûlaient pas les morts immédiatement - c'était peut-être déjà trop tard, aller savoir. 

Ils m'ont dit d'aller parler à Marie. Une autre Marie, ça m'a donné un peu d'espoir, peut être que j'aurais affaire à une personne qui m'aurait mis dans d'aussi bonnes conditions que la Marie que j'ai connue. Note à moi-même: ne plus jamais s'aventurer à faire ces raccourcis irrationnels.

La Marie en question avait un certain âge, c'était la sœur d'Alexis et l'état dans lequel je l'ai trouvé ne m'a pas encouragé. Dès mon entrée dans sa chambre, accompagné d'Alexis, elle m'a demandé de but en blanc "Croyez-vous en Dieu, docteur Cheslaw ? Entendez-vous sa voix?» Ce à quoi j’ai répondu par un non pour tenter d’enchaîner sur la raison de ma visite. Mais la vieille n'a pas voulu s'arrêter là. "Moi je l'entends, il me parle... Et il m’a dit : «Ta fille va guérir». La fille en question était la "numéro 8" de l'hôpital improvisé. Une des victimes. Elle était morte depuis plus de 24 heures, mais je n’ai pas pu lui dire de but en blanc. J’ai essayé d’aborder la situation en lui faisant remarquer que son état s’était détérioré, mais Alexis a immédiatement interrompu en affirmant qu’elle se remettait encore.

Ne tenant plus, j'ai lâché le morceau. "Ta fille est morte, Marie." Je crois que je ne pouvais plus tenir un autre discours où on tourne en rond pour annoncer qu’un proche, un enfant, un parent, un ami, bref, annoncer à quelqu’un de cher à la victime qu’elle était morte… Silence. Stupeur. J'ai cru qu'elle faisait un arrêt cardiaque. Elle ne me lâchait pas de ses yeux qui ne transpiraient pas franchement la bienveillance.

"Non... Vous vous trompez, non... Dieu m'a parlé... Elle va guérir. Dieu me l'a dit, vous mentez..." Le déni aurait presque pu être émouvant si elle n'était pas soudainement montée dans les aigus à me hurler "Vous mentez! Vous n'êtes pas un vrai médecin! Vous êtes le diable venu me torturer! Allez vous en démon! Sortez d'ici! Sorteeeez!".

Alexis m'a raccompagné dehors en m'avouant que Marie était sa sœur et qu'elle avait fait partie du groupe du Troupeau du Berger. Les fous de dieu qui crucifiaient tout ce qui leur chantait dans les ruines qu'ils traversaient. L'endroit m'a paru bien mois sûr pour le coup...

Entrée du journal de Tony

Il faut que je me colle à écrire ce que j'ai fait de mon côté. J'aime bien le doc mais qui va lire ce journal dont tout le monde se fout. Les mémoires d'un groupe de losers affamés, irradiés (je parle pour moi), tentant de fuir de ce merdier à l'aveuglette.

Bon, le doc l'a écrit, on est arrivé dans ce camp tenu par des miliciens polonais. Visiblement, le fait qu’on ait mis la pancarte «US» et non «russe» nous a bien servi. Qui a eu l’idée de la pancarte? C’est Tony!

Pendant que le doc allait foutre le nez dans la merde et les miasmes avec l'apparent chef du camp, j'ai fait un peu le tour du propriétaire. Les types avaient une grange avec pas mal de matos à l'intérieur, de la nourriture, de l'eau, des vêtements. Par contre, rien qui aurait pu servir à du carburant. 

Plus loin dans le camp, j’ai découvert une femme retenue dans une cage en plein air, surveillée par un rouquin renfrogné qui m’a lancé un regard menaçant. Mais son regard ne m’a pas dissuadé de m’approcher de la cage pour essayer d’identifier la malheureuse prisonnière.

"Vous êtes américain non ?" me dit-elle en me voyant approcher. J'acquiesce. "Et vous aussi", lui dis-je. Stéphanie Leviton, agent de l'OTAN, capturée il y a 5 jours par les miliciens. Elle était en mission seule, parle le russe et le polonais. Une espionne à coup sûr. J'ai pas insisté et j'ai repris ma promenade tant le rouquin essayait de se faire encore plus méchant que nature, mais mon flingue devait faire encore plus peur. 

J'avais soif, je suis allé me diriger vers ce qui ressemblait à un puits pour y prendre un casque. Un milicien m'a beuglé un truc en polonais auquel je n'ai rien capté. "Eau pour esclave ça! Pour esclave!" Et il m'a indiqué que je pouvais échanger de l'eau contre des rations.  Mirko s'est servi de l'eau dans une flaque de boue et a commencé à la faire bouillir dans son casque. Si les balles et les couteaux ne tuent pas ce taré, peut-être les maladies?

Miller a commencé à se faire emmerder en jouant avec la petite. Trois ou quatre miliciens l’ont entouré et ont commencé à le chercher en mimant un chimpanzé. Mirko et moi nous sommes pointés, les petits nazis de service sont partis en ricanant, mais ils sont partis. Point barre. Le lieutenant a fait preuve d'un flegme que j'admire beaucoup, si ç'avait été moi, je les aurais troués sans autre forme de procès...

Le doc nous a rejoints, il m'a demandé où étaient les points d'eau dans le camp, et nous a conseillé de faire bouillir tout ce qu'on consommerait ici. Je lui ai parlé de l’Américaine prisonnière. Je lui ai dit qu’il serait bien qu’on arrive à la libérer. 

Puis on a été interrompu par des coups de feu. Les miliciens se sont mis à tirer en l'air, faisant apparaître un troupeau de femmes, d'enfants et de vieillards, conduits sans aucun égard par les miliciens à coups de crosse dans le dos. Ça devait être les esclaves dont l'autre nazi me parlait. J'ai vu le regard de tout le monde, même Mirko commençait à faire la gueule et à jurer en allemand dans sa barbe. 

Il y a eu des cris, puis un tir d'un milicien. Et un autre cri des autres dans la file. Un type avait essayé de se faire la malle, mais il a été fauché par une rafale. La foule commence à pleurer, un peu comme si ce désespoir qu'ils se gardaient par pudeur avait échappé à leur vigilance en voyant un des leurs se faire descendre. J'ai dit au doc qu'il fallait vraiment sortir l'américaine d'ici et l'emmener avec nous.

Et puis tout s'est emballé assez vite dans les heures qui ont suivi. Les miliciens avaient jaugé Miller et les autres pour tester leur agressivité. Ça a commencé quand Mirko est revenu près du char et vu deux miliciens siphonner son essence, en prétendant crânement que le char leur appartenait maintenant. Le doc est venu pour discuter avec eux, deux types sur le toit l'ont pointé, lui et Mirko qui commençait à écumer de rage. J'ai pas attendu. Positionné près du pickup à mitrailleuse, j'ai bondi et fracasser le nez du milicien et le faisant tomber cul par-dessus tête du pickup. J'ai pointé la mitrailleuse sur les miliciens du toit en leur gueulant de ne pas bouger et de laisser tomber leurs armes.

Il y a eu comme un moment figé parmi nous tous. Puis deux miliciens se sont précipités vers le char pour y monter, Miller a eu le même réflexe et est arrivé en premier, décochant un coup de poing à un milicien trop près de la tourelle. La zone a résonné des tirs de mitrailleuse. Puis le char, repris en possession par Miller, Mirko et le doc, emportant Kalina avec lui dans la caisse, s'est mis à tirer à la mitrailleuse et au canon. L'enfer s'est déchaîné dans le camp des miliciens qui n'avaient rien vu venir.

Le char a foncé vers la sortie, en écrasant deux types au passage, tandis que je couvrais sa retraite en vidant le chargeur de ma mitrailleuse, en complément du feu nourri de Miller et Mirko. Le flingue dégommait bien et a réussi à faire fuir le groupe qui tentait de nous arrêter, après avoir perdu les deux tiers de leurs effectifs. J'ai bondi pour rejoindre le char, mais avant cela, j'ai sorti l'américaine et mise à l'abri dans le char avec nous. 

On a mis les gaz quand on a vu Alexis rappliquer avec un groupe assez nombreux de miliciens. Peut-être qu'avec un peu de chance, le bordel qu'on avait mis avait suffi à faire fuir les esclaves, et occuper les miliciens à les rattraper. 

Je sais ouais, c'est pas sympa ce que j'écris, mais c'est notre peau ou la leur. Point final.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article