Vermine 2047

Vermine 2047, de Julien Blondel, est une refonte du Vermine du début de ce siècle, édité alors par Le Septième Cercle. Ne connaissant pas le premier, nous passerons directement à cette nouvelle mouture dont je suis l'heureux possesseur.

Jeu de rôle dystopique, postapocalyptique dans les mêmes tons gris sombre que la Route de Cormac McCarthy, Vermine 2047 nous invite à incarner des survivants de l'humanité, après que mère Nature ait repris possession de ce que la civilisation lui avait arraché. Le monde n'est plus qu'un vaste espace sauvage où l'homme, ayant perdu son statut de superprédateur, réapprend à survivre, étant maintenant devenu une proie dans le règne animal après le reset.

Le jeu est divisé en trois ouvrages, rendant la lecture de chaque élément fondamental du jeu très fluide en limitant les risques de se mélanger les baguettes. On dispose ainsi d'un ouvrage dédié à l'univers, écrit par des mains expertes, dont la romancière Justine Niogret, et qui nous immerge efficacement dans un monde qui a basculé, en nous donnant quelques indices sur les possibles éléments déclencheurs, ainsi que ce qui nous attend dans ce monde revenu à l'état sauvage. Un régal de lecture et visuel qui rend sa lecture indispensable tant la mise en ambiance est d'une efficacité exceptionnelle.

Le deuxième ouvrage est consacré aux règles. Il contient tout l’outillage nécessaire pour jouer en détaillant le principe du système Totem, ainsi qu’une foule de règles optionnelles. Certaines d’entre elles visent à améliorer le réalisme dans certaines situations, notamment lors des combats

Le troisième ouvrage, enfin, est centré sur le groupe, les principes régissant la communauté dans laquelle vivent les joueurs, leur philosophie, leurs règles et interdits, leur réputation contribuant à définir les relations entre les autres communautés. Il comprend, entre autres, des règles de gestion de la communauté permettant aux joueurs qui le souhaitent d'y être pleinement investis.

Le monde de Vermine 2047

Rien n'est vraiment clair sur ce qui a exactement provoqué l'effondrement. Le dérèglement climatique, l'inaction de l'homme face à l'inéluctable qui lui était répété en boucle sur tous les écrans, l'accentuation des cataclysmes et le retour des épidémies d'un autre temps, le terrorisme écologiste a tôt fait de ronger tout ce qui faisait encore tenir les sociétés. Et mettre l'humanité à genoux quand le point de bascule a été atteint. Cela ressemble à une érosion lente dont le monde a été l'observateur impuissant et le complice silencieux. Désormais, il n'y a plus d'abondances. L’eau potable et la nourriture sont difficiles à se procurer. C'est le retour aux sources, à la chasse, à l'organisation en communauté, en tribu, mais aussi, le retour à l'obscurantisme dangereux dans la foi et la spiritualité exacerbée, délirante et dangereuse. 

Les humains se terrent, certains se regroupent pour survivre ensemble, pour le meilleur, mais parfois pour le pire. D'autres préfèrent continuer en solo, tandis qu'encore d'autres s'organisent en hordes, pillent et tuent tout ce qui croise leur chemin, comme jadis les vagues de barbares durant l'Antiquité

Le monde n'est certainement pas gai, et la survie peut ne tenir qu'à un fil: l'hygiène, la contamination aux germes, l'intoxication alimentaire, la blessure qui s'infecte, tout est devenu un risque d'y laisser sa peau.

Aussi, Vermine 2047 propose trois modes de jeux qui accentuent la difficulté.

Le premier mode est celui décrit plus haut, où le monde n'est plus qu'une vaste terre sauvage réappropriée par mère Nature, sans surnaturel ni bestioles grosses comme des camions. C'est le mode survie, le premier "niveau" où il fera bon de découvrir le jeu pour la première fois.

Le deuxième mode est le mode cauchemar. Si survivre avec du matériel désuet, à chercher son eau et sa nourriture comme un vrai survivaliste vous réussit bien, voire commence à vous sembler monotone, le mode cauchemar est là pour rehausser le niveau : ici, le surnaturel commence à faire son entrée, avec des shamans capables de communiquer avec des animaux, des plantes, et des insectes, plus costauds, rabaissant l'homme dans la chaîne alimentaire.

Enfin, le troisième mode, le mode apocalypse, où la transformation du monde est si radicale, que l'homme n'est guère plus qu'un mulot courant en piaillant dans une pelouse géante, poursuivi par des araignées ou des cafards titanesques. Les animaux et les insectes ont muté en des cauchemars vivants, relevant l'horreur à son paroxysme.

Le système Totem:

Un personnage se définit par des caractéristiques physiques et mentales, et des compétences. Une action nécessitant un jet se fait selon le déroulé suivant:

Le joueur choisit sa caractéristique et sa compétence. Le score de chacun indique le nombre de dés de 10 à lancer. Ce nombre de dés pourra également être augmenté à l'aide de bonus propre à la compétence, au matériel utilisé, ou à l'aide de point de réserve de sang-froid, ou de réserve de groupe.

Le succès de l'action est déterminé par un niveau de difficulté fixé par le maître de jeu compris entre 3 et 10, 7 étant généralement le niveau pour désigner une action difficile.

Pour réussir le jet, il faut faire, au moins avec un dé, un chiffre égal ou supérieur à la difficulté. 

Des conditions particulières peuvent rajouter un challenge au joueur en nécessitant plus d'un succès aux dés pour réussir l'action. Je n'entrerai pas dans le détail néanmoins dans cet article, il s'agit juste de souligner qu'il gravite des options supplémentaires autour de ce système!

Le principe de création de personnages et de communautés:

Dans un premier temps, Vermine 2047 peut se jouer sous la forme d'un groupe parcourant le monde et, dans l'éventualité où ils trouvent un endroit sûr pour s'établir, se sédentarise. L'autre option est que le groupe de joueurs fait déjà partie d'une communauté de survivants et participe aux activités de celle-ci.

Dans l'un ou l'autre cas, établir une communauté est optionnel, mais elle apporte une dimension plus riche à l'expérience, et implique les joueurs dans d'autres activités plus diverses, à l'instar de la gestion de communauté que l'on trouverait dans Mutant Year Zero.

Concentrons-nous maintenant sur la création de personnages. Celle-ci se fait selon des étapes bien expliquées dans l'ouvrage, en invitant le joueur à répondre à une série de questions qui définiront son âge, son occupation principale, son trait de personnalité dominant et son Totem. 

Le Totem ici représente la philosophie du personnage, ce qui le définit en matière d'instinct et d'interdit, octroyant des capacités spécifiques, mais également des désavantages lorsqu'il brise un interdit.

Exemple de Totem:le Symbiote aura pour instinct de toujours partager à parts égales, tout tenter pour éviter les conflits, toujours apprendre ce que l'on sait aux autres. Et ses interdits: Ne jamais abuser de la confiance d'autrui. Ne jamais provoquer ou mettre au défi un adversaire. Ne jamais achever un blessé.

Par la suite, on étoffe davantage sur l'origine du personnage: ce qu'il faisait avant que le monde ne change et les objectifs qu'il s'est fixés, à raison d'un objectif majeur et entre un et trois objectifs mineurs. On termine enfin par la répartition des points dans les caractéristiques et les compétences. 

Une création pas à pas où le livre vous tient par la main, c'est d'une clarté très satisfaisante.

À qui s'adresse ce jeu ?

Vermine 2047 ne fréquente pas les thèmes réjouissants, mais plutôt ceux qui parlent de survie et de tension. Il peut même montrer des scènes très violentes, parce que le monde qu’il décrit est impitoyable. On virera même à l'horreur totale en passant aux modes supérieurs.

J'ai également fait un parallèle avec Mutant Year Zero dans le thème où, là aussi on retrouve beaucoup d'aspects en rapport avec le survivalisme. Mais le côté surnaturel étant absent dans le mode survie, un rapprochement avec Twilight 2000 est plus approprié. 

Celui-ci nous plonge dans un monde ravagé par la guerre nucléaire et où la civilisation s'est éteinte, laissant les hommes abandonnés à eux-mêmes, l'homme redevenant un prédateur pour l'homme, la loi du plus fort prédominant. Ici, l'homme est le super prédateur qui s'entredévore.

Vermine 2047, lui replace l'homme dans la chaîne alimentaire à terrain égal avec la faune et la flore. Le monde s'est effondré progressivement comme bombardé par les anticorps de Mère Nature qui a finalement décidé de se débarrasser du cancer qu'était la civilisation des hommes. Le titre, à première lecture, nous évoque les cafards, les vers charognards, toute la vermine qui nous révulse instinctivement. Dans Vermine 2047, l'homme est la vermine que la Nature cherche à éradiquer.

Une proposition originale, avec des ouvrages extrêmement bien construits. À l’heure où j’écris ces lignes, je n’ai pas encore testé, mais la liste d’attente se réduit, je l’espère pour bientôt !

Vermine 2047 des Studios Agate en lien.